
Action climatique
L’écart entre le savoir et l’agir
On attribue à Einstein la paternité de l’adage voulant que « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». Malheureusement, il décrit trop bien notre attitude collective et individuelle vis-à-vis des gestes à poser pour lutter efficacement contre les changements climatiques, comme en témoigne un récent sondage SOM mené pour le compte de La Presse.
En effet, force est de constater que les changements de comportements des individus et des organisations n’ont pas un effet significatif sur le cours des choses.
Pourtant, lorsqu’on s’attarde aux sondages sur le sujet, il apparaît évident que l’ampleur du problème climatique est bien comprise par la population : selon le Baromètre de l’action climatique de l’Université Laval, pas moins de 85% des Québécois·es jugent qu’il y a urgence d’agir.
Comment expliquer cet écart entre le savoir et l’agir, ou dit autrement, quels sont les freins à l’action climatique citoyenne? C’est LA question que l’on doit se poser.
Une partie de la réponse réside à notre avis dans la façon d’aborder la question de l’action climatique. Dans les 30 dernières années, le discours environnementaliste s’est principalement concentré à mettre en évidence tout ce à quoi il faudrait renoncer pour éviter le pire. Nous décrivons les conséquences cataclysmiques (bien réelles) associées à l’inaction – convaincus, dès lors, que la peur est un moteur suffisant pour que les citoyens se mobilisent.
Ce discours aura eu le mérite de faire en sorte qu’aujourd’hui, le principe selon lequel il est nécessaire et urgent d’agir pour le climat est largement consensuel, ce qui est déjà une grande victoire – mais il faut reconnaître du même souffle que ce n’est manifestement pas suffisant.
À ce discours, nous proposons d’en opposer un autre, axé quant à lui sur les gains, que ce soit en matière de santé, d’alimentation, de relations humaines, d’équité ou encore d’abordabilité. Ainsi, plutôt que de faire du climat une raison en soi d’agir, nous proposons de renverser le raisonnement : quels changements augmenteraient notre qualité de vie tout en ayant une incidence positive sur le climat?
Une discussion aussi fondamentale change alors nécessairement de cadre, pour porter directement sur notre mode de vie, au sens large, compris comme un ensemble de comportements et d’habitudes partagé par une collectivité, et qui s’appuie sur un certain nombre de valeurs.
L’autre partie de la réponse expliquant l’écart entre savoir et agir réside dans le fait que notre mode de vie et nos normes sociales sont à bien des égards incompatibles avec les changements nécessaires. Pour sortir de ce carcan, pour le réinventer collectivement, il faudra examiner chacune des habitudes nuisibles au climat, mais aussi inadaptées à notre réalité actuelle. Des campagnes pour développer l’acceptabilité sociale de nouvelles propositions emballantes seront nécessaires.
Il sera toujours difficile voire impossible de convaincre chaque individu, un à un. Développer l’acceptabilité sociale permettra de faire pression sur les pouvoirs publics, au premier chef les gouvernements, pour qu’ils adoptent les lois et règlements nécessaires pour entraîner des changements à l’échelle collective, comme nous l’avons fait pour le tabac, pour la ceinture de sécurité, pour l’alcool au volant.
Ou comme nous l’avons fait pour la Révolution tranquille – prendre en main notre destin collectif, en renversant au passage tout un ensemble de normes sociales, n’était pas une mince affaire. Mais nous y sommes parvenus, pour nous en trouver plus libres en fin de compte. Nous sommes convaincus que le Québec a tout ce qu’il faut pour bâtir dès aujourd’hui le socle d’une société plus égalitaire, plus juste et plus écoresponsable. Mettons-nous au travail.